De Kyiv à Ottawa : Olha Chernovol trouve un nouveau foyer d’accueil au pavillon Fauteux

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Communication, Faculté de droit

Olha Chernovol
Photo : Patrick Walton
Au début de 2022, Olha Chernovol pratiquait le droit en Ukraine. Elle était coordonnatrice de projet pour COSA LLC et directrice générale de l’ONG Transparent Democracy, et partageait alors son temps entre plusieurs projets liés à la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, a complètement chamboulé son quotidien, et ses plans de carrière.

Si l’invasion russe a bouleversé la vie d’innombrables personnes, l’exemple d’Olha Chernovol en est un de persévérance et de résilience. Elle n’a pas hésité un instant à quitter sa terre natale en mars dernier. Malgré son départ précipité, elle n’a pas tardé à dresser des plans pour poursuivre l’œuvre de sa vie, acceptant un poste de chercheuse-boursière de niveau postdoctoral à l’Université d’Ottawa sous la direction de Jennifer Quaid, une éminente spécialiste de la responsabilité criminelle des organisations et de la responsabilité des entreprises. La nature des travaux de la professeure Quaid sur la lutte contre la corruption et les délits économiques en faisait une partenaire de recherche idéale. En contrepartie, l’expérience de l’Ukrainienne auprès de Transparent Democracy apporte aux travaux de la Canadienne une perspective concrète inestimable. 

Si la décision des deux chercheuses de collaborer s’est prise rapidement, les démarches pour faire venir Olha Chernovol au Canada depuis l’Allemagne, où elle s’était réfugiée en laissant derrière elle la plupart de ses effets personnels et documents officiels, ont exigé un peu plus de temps. Heureusement, le binôme a pu se rencontrer en personne en Europe entretemps : la professeure Quaid, qui s’est rendue en Grèce à la fin mai pour assister à un atelier des Daughters of Themis: International Network of Female Business Scholars, avait invité son homologue à l’accompagner. Cette dernière a enfin pu gagner le Canada peu après. Au terme de trois mois de solitude, d’épreuves et d’émotions fortes, la juriste a maintenant trouvé une nouvelle famille universitaire pour 2022 et 2023 en la très dynamique Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.

Les principaux champs de recherche d’Ohla Chernovol touchent à l’histoire du droit et à l’évolution des pratiques. Elle s’intéresse tout particulièrement aux obligations juridiques des citoyennes et citoyens, aux modèles théoriques d’exercice et d’application du droit et, plus récemment, aux politiques de lutte contre la corruption. Sa dernière publication, intitulée "Anti-corruption Policy in the Baltic-Black Sea Region" (PDF; 24.9 Mo), offre un aperçu de son expertise dans les domaines toujours d’actualité de la responsabilité criminelle des organisations et des mesures anticorruption.

Olha Chernovol
Photo : Patrick Walton

Olha Chernovol se joint à Jennifer Quaid à titre de chercheuse-boursière de niveau postdoctoral dans le cadre d’un projet de recherche sur le règlement hors tribunal des poursuites en matière de corruption. Cette bourse lui a été octroyée grâce à un fonds d’urgence destiné à la communauté de recherche ukrainienne, créé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), qui s’ajoute à une subvention Savoir accordée à la chercheuse en 2020. Avec l’équipe de Jennifer Quaid, la juriste ukrainienne se penchera sur l’application des lois anticorruption. Elle explorera les risques inhérents aux composantes juridique et institutionnelle des politiques anticorruption et mènera une étude comparative des mécanismes de règlement hors tribunal des poursuites en matière de corruption. Plus concrètement, elle s’emploiera à trouver des moyens d’améliorer les lois canadiennes régissant les accords de réparation en vue de mieux contrer les risques de corruption. Notons que ces travaux s’inscrivent en droite ligne avec ceux qu’elle menait en Ukraine.

Olha Chernovol souligne que dans son pays, les chercheuses et chercheurs s’intéressant au droit comparé se tournent souvent vers d’autres exemples européens, et parfois américains. Le droit canadien y est peu connu et peu étudié. Par conséquent, sa présence au pays lui offre une multitude de voies à explorer pour élargir ses horizons. Elle espère présenter les résultats concrets de ses recherches lors de divers séminaires universitaires et de colloques thématiques au Canada et à l’international.

N’eût été l’invasion de son pays, la chercheuse ukrainienne n’aurait probablement jamais mis les pieds au Canada, mais elle n’exclut pas l’idée de s’y installer, du moins pendant quelque temps. Elle garde l’espoir que la guerre en Ukraine se terminera bientôt, mais comme on ne saurait prédire ce qu’il adviendra de cette région du monde, elle entend rester pour le moment, et apprendre le français afin de pouvoir tirer parti de tout ce que le Canada a à offrir.

La chercheuse-boursière trouve son inspiration dans ce principe : lorsqu’on se fixe un objectif, c’est le désir de l’atteindre qui nous motive. Le tout est de trouver les bonnes conditions pour l’atteindre. Espérons que celles qu’elle a trouvées ici l’aideront à réaliser chacune de ses ambitions.