La dignité humaine, du début à la fin de la vie

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Faculté de droit – Section de droit civil

Par Martine Batanian

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Michelle Giroux
Photo: Bonnie Findley
Grâce à un sens aigu de la justice, Michelle Giroux contribue à la réforme du droit en le confrontant à la réalité des familles et du milieu de la santé.

« Si le droit ne s’ajuste pas aux nouvelles réalités, il est ineffectif et on peut se demander à quoi il sert », soutient Michelle Giroux, professeure à la Section de droit civil de la Faculté de droit. Celle qui célèbre cette année ses 25 ans de carrière à l’Université d’Ottawa n’a rien perdu de la fougue de la stagiaire en droit qui défendait les droits des plus vulnérables à l’aide juridique. Pour la chercheuse, dignité, liberté et égalité sont au cœur de ses recherches sur le droit fondamental de connaître ses origines et sur les soins en fin de vie.

« Je m’intéresse aux solutions juridiques à développer face aux problèmes posés par l’évolution de la médecine et des mutations de la famille contemporaine, explique la spécialiste en bioéthique et en droit des personnes et de la famille. Ce sont des questions auxquelles il n’y a pas de réponses faciles, des domaines hypersensibles où le droit est souvent en retard sur l’évolution de la société. »

Véritable précurseure en matière de soins de fin de vie, Michelle Giroux a été invitée, en 2013, à participer au Comité de juristes experts visant à mettre en œuvre les recommandations de la Commission spéciale de l’Assemblée nationale du Québec sur la question de mourir dans la dignité. « Ce sont les médecins, au départ, qui avaient exigé un débat sur la question parce qu’ils se sentaient à court de solutions en matière de fin de vie. » Le Comité a justifié la nécessité de permettre l’aide médicale à mourir en raison de l’évolution de la médecine, qui allonge parfois la vie indûment, et des droits fondamentaux. La loi québécoise est adoptée en 2014, avant la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Carter imposant la décriminalisation de l’aide médicale à mourir partout au Canada.

En ce moment, la professeure Giroux travaille, entre autres, à un projet de recherche multidisciplinaire visant à évaluer l’impact des nouvelles directives médicales anticipées (DMA) québécoises, réalisé avec Isabelle Marcoux, professeure de psychologie à l’Université d’Ottawa. Découlant de la loi concernant les soins de fin de vie, les DMA sont une forme d’expression des volontés en prévision de l’inaptitude à consentir à des soins qui ont force obligatoire. « L’esprit de cette loi est de favoriser l’autonomie du patient, et ce qui m’intéresse est de savoir si les DMA telles qu’elles sont présentement encadrées par la loi vont en ce sens », souligne la chercheuse. À la suite de la pandémie de COVID-19 (voir encadré ci-dessous), assisterons-nous à une hausse de la popularité des DMA? « Les DMA peuvent être un plus, affirme Michelle Giroux. Cette pandémie, au cours de laquelle les proches aidants et les représentants des patients inaptes ne pouvaient être au chevet des patients, le démontre. »

Les nouvelles configurations familiales

Les droits de l’enfant sont chers à la professeure Giroux. Après s’être intéressée au droit de connaître ses origines et à l’établissement de la filiation de l’enfant né suite à une gestation pour autrui ou d’une procréation assistée, la chercheuse poursuit sa réflexion en examinant la construction identitaire de l’enfant, notamment dans le cadre d’une subvention de partenariat du Conseil de recherches en sciences humaines sur les familles séparées et recomposées. « L’identité pourrait être une solution pour établir de nouveaux fondements en droit de la famille, explique la chercheuse. La famille évolue rapidement : les modèles familiaux sont éclectiques, et le droit est en porte à faux avec ceux-ci. »

Santé publique et pandémie

« Le Programme national de santé publique du Québec […] précise très clairement que les populations les plus vulnérables doivent être au centre des préoccupations. La présente crise sanitaire ne démontre-t-elle pas qu’il faudrait en faire davantage pour assurer la mission plus large de la santé publique? », demande Michelle Giroux dans un chapitre de Vulnerable: The Law, Policy and Ethics of COVID-19, paru en juillet 2020 aux Presses de l’Université d’Ottawa. Dans ce texte, elle traite de l’application de la Loi sur la santé publique au Québec dans le contexte de la pandémie de COVID-19. « Les problèmes qui existaient avant la COVID-19 sont exacerbés par la pandémie, et la situation dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) en est un triste exemple, écrit-elle. Après la COVID-19, aurons-nous à faire face à une autre crise, associée à une "épidémie de problèmes sociaux" portant tout autant atteinte à la dignité humaine? » Histoire à suivre…

Mains
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